jueves, 6 de junio de 2013

DES COÛTS ET DES COULEURS

   Impossible de n'avoir pas remarqué qu'un beau (?) jour l'arc-en-ciel s'est décroché des nues et s'est cassé la figure sur le plancher des vaches et que le résultat, la plupart du temps, est en polychromie ce qu'en polyphonie on appelle une cacophonie : un dé-sastre, un attentat contre le bon goût, une atteinte à la sobriété, un coup de main contre l'élégance, et en toute règle un assaut contre les prunelles.
   On n'est plus tape-à-l'oeil, aujourd'hui : on est tabasseur du même.
   Les gentils caméléons font fort bien de se tenir cantonnés en leurs quartiers : dans nos rues et parmi tant de passants bigarrés ils ne sauraient à quel teint se vouer.
   Les paillasses ou clowns ou bouffons de foire sont partout et particulièrement et fata-lement sur les trottoirs et les passages clowntés.
   Après la musique qui sévit en tout lieu, à toute heure et souvent pour le désagrément de gens qui ne l'ont pas demandée, les couleurs ont ensorcelé le genre humain qui dé-sormais en fait un usage abusif, maladroit, malvenu, excessif, inélégant, criard, repous-sant, osé, idiot, déconcertant, quelquefois désopilant et parfois en quelque sorte agres-sif.
   Et cela en toute saison, quelle qu'en soit la raison et hardiment  de pied en cap - Horn, celui des grands vents hurleurs car c'est effectivement à hurler.
   Traditionnellement les chevelures étaient blondes ou brunes, rousses, blanchies par l'âge avec de la chance et seules les dames et de rares types d'un genre assez mystérieux, bien après certains rois et les membres du Sénat de Rome osaient des  fantaisies sur leur boîte crânienne.
   Au diable toute retenue, tout raisonnement à couper le cheveu en quatre, je suis moi et c'est de mon moi que je dispose, le tif est un matériau comme un autre, allons-y pour le vert, le bleu, l'orange, le mauve, le rose et la queue de cheval et les tresses et les sta-lactites et les dents de scie et qu'on soit homme ou femme ou d' une espèce indéfinie ne change rien à la question.
   J'ose donc j'existe.
   Et sexiste qui n'osera pas.
   Le Technicolor et le PAL, on le voit et mille fois plutôt qu'une, ne sont pas que sur les écrans.
   Il n'y a pas si longtemps, le noir allait à la nuit, à un certain degré de colère, aux auto-mobiles et au deuil, le gris aux nues et aux fêtards, le bleu tendre et le rose aux layettes, le rouge au sang, aux tomates et aux ires démesurées, le jaune à l'or et aux champs de blé, le blanc aux noces et aux tonnelles des guinguettes, l'orange aux mandarines à quel-que localité, province ou duché, le bleu outre-mer aux océans, le bleu marine à la mari-ne et aux hommes sérieux, le topaze à une gemme et à Fernandel, le vert à la campagne et à certains vieillards vigoureux, le bleu pétrole aux émirs, le violet aux évêques, le rouge cardinalice aux cardinaux, le marron aux châtaignes et aux rings de boxe, le lilas à une porte de Paris, le carmin aux lèvres des filles, l'argent aux argentés contents, le roux aux renards non isatis et à Maureen O'Hara, les couleurs primaires et secondaires réu-nies aux vitraux des églises,le bleu-blanc-rouge au drapeau de Marianne,et le méli-mélo spectral ne convenait qu'à Arlequin.
   Tout est changé, sens dessus-dessous, bouleversé. L'arlequinade a pignon sur rue et même sur les billards des blocs opératoires, le personnel habituel de ces lieux ayant jeté le traditionnel blanc aux orties pour se parer de vert, de bleu, de rose ou mauve et pa-rachevant le déguisement par des bonnets aussi fleuris qu'un bouquet de jeune mariée.
   C'est ainsi que les femmes, aujourd'hui, pratiquement n'accouchent plus dans la dou-leur mais bel et bien dans la couleur.
   Baste!
   Par surcroît, cette mode kaléidoscopique et vomissure démesurée a un coût, en temps et en argent, pour qui n'est pas disposé à la suivre, celui-là devant dénicher avec peine les boutiques et magasins où il pourra enfin trouver un pantalon autre que rouge, jaune   ou vert ou léopard ( jamais autant vu,ce dernier, que depuis la suppression du service militaire!), qui ne soit pas non plus le devenu classique blue jean des cow-boys citadins sans lasso dont il semble qu'ils ne puissent pas se lasser,un T-sheert ou chemise ou po-lo loin du genre plumage de colibri,et des chaussures qui n'aient pas toute l'allure quasi spatiale d'un scooter Kimko. Hélas, ces commerces-là sont les plus rares et en aucun cas les moins chers.
   Un mur n'est  blanc que le temps de l'édifier : dès le lendemain, il est le cadre du chef- d'oeuvre des surréalistes ou naïfs de la nuit.
   Des immeubles et maisons changent de couleur entre l'aube et le crépuscule. De sécu-lairement ocres ou blancs, les voici bordeaux, roses,grenats, marrons,bleus céleste.Plus nécessaire d'aller au vieux Nice ou à Funchal pour en voir de toutes les couleurs.
   En Andalousie,un tout petit village (Juzcar,environ 300 hts, près de Ronda ) a parse-mé ses ruelles et passages des fameuses figurines des "Schtroumpfs", s'est intégralement maquillé du même bleu et depuis reçoit annuellement des milliers de visiteurs!
   Incontestablement il se peut dire que le genre humain d'aujourd'hui est bien haut en couleurs et même qu'il a celles-ci dans la peau!
   Cela devient purement flagrant dès la belle saison et tout spécialement sur une plage. Apparaissent alors, effrontément, sans le moindre soupçon de complexe, des bras et jambes non moins hiérogliphés que l'obélisque de la Concorde, inintelligibles oeuvres d'art épidermiques et transportables à la gloire probablement d'on ne sait quel Ramsès de banlieue  ou de quelle Cléopâtre de faubourg. Le tatouage, qui autrefois apanage des voyous,des forçats et des matelots, allait surtout de port en port et à présent va dans les pores les plus communs.
   Les bords d'eaux sont réellement les endroits où foisonnent les quelque 350.000 cou-leurs qu'est capable de distinguer notre système visuel. Autant dire qu'on en a plein l'iris -et la pupille et le nerf optique et le cerveau qui doit déterminer si ce que l'on voit est  exactement magenta ou fuchsia  plutôt que lie-de-vin.
   Car si jadis le discernement était simple - il fallait être Sévérini pour obtenir un bleu d'une profondeur sans pareille et Le Titien pour trouver un rouge sans égal- les indus- tries textile, teinturière,des loisirs et de toutes sortes ont fait de tels progrès par addition  ou soustraction des couleurs élémentaires que de nos jours les maîtres les plus coloris-tes (Véronèse, Bonnard, Matisse,Klimt, Mondrian et plus près de nous Joce à Colliou-res) sont à des mètres et des lieues de parvenir à paletter tout ce qui multicolore la pla-nète.
   Enfuis les frimas, provisoirement remisés les parkas à la Houellebecq, les suroîts de pêcheur d'Islande, les coupe-vent de Géant de la route et les rangers de parachutiste, ce ne sont que serviettes de bain bariolées,lunettes de soleil flamboyantes, bermudas et po- los criards, épidermes de toutes les nuances, et maillots de bain technicolorés,et bikinis  principalement chromatiques, accessoires de toutes les sortes et bien entendu de toutes les teintes et sous-teintes et sur-teintes.
   Couleurs, couleurs, couleurs...
   Mais ô miracle! soudain, tout à coup,brusquement,impromptu,surprenant, remarqua-ble, remarqué, suivi par tous les regards, un effet dit vestimentaire réduit, exigu, minus-cule, si petit que par mégarde il pourrait affranchir une lettre...
   Un tanga.
   Monochrome, sans fioriture!
   Sûrement par manque de place.



   ***Le temps des vacances. Le prochain "COQ-A-L'AME" en Septembre.                               
  
  
  
  
   


  
  

  

domingo, 2 de junio de 2013

MEFAITS DIVERS

   Il est bon et sain de bouillonner de temps à autre, bon sang! Cela décape et restaure les méninges!
   A toute vapeur!
   De l'art de gouverner, allons-y!
   "Gouverner c'est prévoir."
   A d'autres!
   Et adjointement : en d'autres temps.
   Gouverner, de nos jours,c'est clairement se moquer du monde.
   C'est aller de sommet en sommet, de conférence en conférence,de visite officielle en visite officielle, de réunion en réunion, de comité en comité, d'accolades en accolades, de poignées de mains en poignées de mains, d'allocution en allocution, de déclaration en déclaration, de promesse en promesse, de sondage en sondage; c'est principalement parler pour dire n'importe quoi au sujet de n'importe quoi et rechercher la bonne photo et le bon titre dans les journaux; c'est blablater à tous les niveaux, depuis le maire jus-qu'au chef de l'Etat sans oublier les ratés des urnes qui ont une frousse terrible de l'ou-bli et se démènent pour rester d'actualité.
   C'est à qui fera la meilleure manchette à la suite de propos servis à chaud qu'il faudra ou démentir ou rectifier le lendemain.
   Voilà , grosso modo, ce qu'est devenu gouverner.
   Les difficultés engendrées par la crise n'arrangent rien, cela va de soi, et de là un lan-gage politique constipé, de pénible lecture, qu'il conviendrait de soumettre au redresseur de courant pour en tirer un brin d'intelligibilité.
  Et s'il est un domaine ultra-sensible où l'oral est spécialement réussi dans le genre,  (c'est-à-dire tout à fait raté),c'est le terrorisme,et s'il existe là deux mots choyés et saisis à tire-d'aile et fumants servis à la volée aux bonnes gens par ceux qui les gouvernent, ce sont, ou respectivement ou conjointement les mots sacrés "ponctuel", "isolé".
   (Fort heureusement, par inadvertance ou ignorance, ils ont omis le mot "fortuit"!) 
   Un attentat de cet ordre? Cas isolé.
   Un autre? Cas ponctuel.
   Encore un? Cas ponctuel et isolé.
   Crimes semblables à New York, Boston, londres,Paris, Benghazi, Nairobi, Toulouse, Casablanca, Madrid etc...: cas sans le moindre lien, éloignés, distants, re-ponctuels et re-isolés.
   Diantre et pardienne! Encore un peu et l'on nous dirait (sans le savoir) que ces actes barbares sont exécutés d'une certaine façon à point nommé -ce que signifie "ponctuel"-
donc prévu, et par ailleurs et contradictoirement qu'ils sont dûs au hasard, à l'imprévu,à des concours de circonstances malheureux.
   Comme sauce chevreuil pour faire passer la carne, on ne fait pas mieux!
   Surtout pas de vagues!
   Surtout pas de bavures!
   Surtout pas de vindicte populaire ni de manifestation du même tonneau - on sait trop bien depuis 223 ans et des poussières ce que peut faire une populace en furie.
   Du calme, citoyens...
   "La colère est mauvaise conseillère."
   "Nous sommes là."
   "L'Etat veille."
   "Le gouvernement prend les mesures nécessaires."
   "La sécurité publique est assurée."
   "Nous disposons de la police, de la gendarmerie, de la guardia civil, des carabinieri, de la CIA, des C.R.S., du FBI, du MI5, de la DST, de la polizei, de la politie, du Secret Service, des services secrets, de Scotland Yard, de l'Armée, des Renseignements Géné-raux, de mouchards, de confidents, d'infiltrés...
Ouais...Pas depuis cet instant précis, que l'on sache, et ça n'a pas empêché çà et là et sans qu'on s'épuise à les arithmétiser, les centaines d'attentats perpétrés depuis des dé-cennnies, parfois relégués au fin fond de la mémoire mais ni oubliés ni inventés, con-coctés au commencement tels des coups de commando (les détournerments d'avions,at-taques d'ambassades, raids contre des ONG, bombes dans les transports publics)...et que l'on en arrive maintenant, à présent, aujourd'hui, demain, après-demain, illico et tout de suite, n'importe quand, n'importe où, à ce que quelqu'un a déjà qualifié "d'artisa- nat du terrorisme", c'est-à-dire, comme cela vient de se produire à Boston, Londres et Paris, le fait d'individus pas plus exotiques que d' autres, dotés de faciès quelconques,  pourvus de patronymes parfaitement catholiques mais secrètement chargés à bloc d'une dangereuse mauvaise foi savantissimement instillée en leur inconscience par des maîtres à penser "dormants" -selon les techniques de l'espionnage- généreusement semés dans le monde occidental.
   Nous avons là des "convertis" d'aspect parfaitement standard, sans signe particulier, pas plus inquiétants que les voisins de palier, peut-être bons étudiants, peut-être aima-bles dans le quartier mais au fond d'eux-mêmes "artisans terroristes" capables de faire du "décousu main" au premier sale infidèle qu'ils auront, question de circonstances, à la pointe de leur poignard.
   "Vigipirate"? Tu parles,Charles! Tu crois, François!On a vu le pouvoir de dissuassion qu'a l'uniforme sur ces gens-là! Et à la Défense, par-dessus le marché!
   Quant aux services proclamés "compétents", lorsque délibérément ils s'abstiennent de donner suite à des alertes d'autres services également dits "compétents", ils démontrent mathématiquement que de compétences qui s'ignorent ou déprécient ne peut résulter qu'une incompétence totale.
   Que celui-ci s'est rendu à plusieurs reprises au Pakistan ou en Libye ou au Yemen? Et alors? Cela ne prouve rien, des millions et millions de gens voyagent annuellement!
   Que tel autre fréquente des gus fichés et surveillés par les services  spécialisés? Et quoi, puisque ces suspects eux-mêmes n'ont donné lieu à l'intervention!
   Balivernes!
   On a bien arrêté, jugé et condamné de simples petits braqueurs qui n'en étaient qu'à manigancer leur coup.
   On a bien appréhendé, jugé, condamné,assigné à résidence,expulsé des petits délin-quants à la noix.
   Des mesures existent, mais il semble qu'on tremble là-haut à la seule pensée d'avoir un jour à les appliquer.
   En attendant, les tueurs à la foi sont là, travaillant non à la chaîne mais à la haine,n'at-tendant que l'instant propice, entretenant leur idée fixe.
   Et de la suite dans les idées...
  
  
       
  
  
          

jueves, 23 de mayo de 2013

NAITRE OU NE PAS NAITRE

   Soirée petit écran. Débat, colloque, échange d'idées ou ce qu'on voudra. Thème ou sujet : l'avortement. Plus précisément : la loi sur l'avortement qui, ainsi que toute loi, ne satisfait pas tout le monde.
   Autrefois on appelait "faiseuses d'anges" celles qui le pratiquaient ou s'y prêtaient, el-les étaient farouchement poursuivies et durement condamnées si elles étaient prises.
   On était poétiques alors ("Les ballets roses", "Les ballets bleus" dans un autre désor-dre d'idées) et sûrement plus qu'aujourd'hui attachés à quelques valeurs essentielles.
   En bref, l'on voyait une énorme différence entre un trépas et un grand ou petit pas.
   Passons...
   L'avortement légalisé, donc, popularisé peut-on dire, et dans certains pays aussi banal qu'une appendicite. C'est ainsi qu'on tue un foetus comme l'on procèderait à l'énucléa-tion d'une tumeur.
 C'est une erreur.
   Passons encore - momentanément.
   Débat, soit. Devant les caméras, sur le plateau (ou le set pour faire mieux), outre le célèbre présentateur-modérateur capable de passer d'un sujet "sensible" à un thème sca-breux avec un égal dynamisme, l'habituel assortiment de personnages annoncés comme des lumières sans pour autant être de vrais experts sur la question. Aucune importance : à la TV, l'important d'un débat c'est qu'il soit bien plus animé que profond. Un ecclésiastique, un écrivain, un sociologue, une psychologue, un médecin (généraliste), une mère d'enfant handicapé, deux fonctionnaires de la Justice et de la Santé.
   Première constatation : ce sont les femmes qui accouchent ou non mais elles sont en minorité.
   Deuxième remarque : a priori rien de politique au programme mais des idéologies op-posées sourdent presque immédiatement pour extrêmement vite déferler en affronte-ment  du type parlementaire. On n'ira certes pas jusqu'à s'entre-tuer (la loi veille) mais on s'entre-déchire sans pitié.
   Gauche-droite, l'éternelle énergie pendulaire bien moins aléatoire que le sens dessus-dessous ou le vice-versa.
   C'était à prévoir : on n'a pas là une table ronde (pas plus qu'une partie carrée) mais une authentique ligne de front de deux irréconciliables adversaires déterminés à gagner l'assaut.
Impossible, naturellement, de rapporter tout ce qui s'assène et se véhémente pendant l'heure de l'émission. On entend dire çà et là qu'un embryon est une créature de Dieu; qu'un foetus n'est pas un être vivant; que la loi est injuste; que l'avortement ne devrait être autorisé que dans très peu de cas bien précis; que la loi a été faite pour favoriser seulement les riches; que l'interruption volontaire de la grossesse doit se pratiquer si son état met la vie de la femme en danger; qu'une I.V.G. n'est pas un assassinat; que la mère sait ce qu'elle veut ou ne veut pas; qu'un non-né n'a pas de statut juridique; que la détection de graves malformations recommande l'avortement; qu'uniquement dans le cas d'un viol il devrait être autorisé; que la médecine n'étant pas une science exacte, les médecins peuvent se tromper;qu'en tout état de cause ils ne peuvent évaluer avec cer-titude les chances de survie, ni la durée de celle-ci, ni sa qualité, d'un nouveau-né handicapé; que le droit à la vie est pour tous; que les femmes disposent aujoud'hui de bien des moyens pour n'avoir que l'enfant souhaité; que nul n'a le droit de détruire une vie humaine; qu'un embryon n'est pas un être vivant; que la loi est trop restrictive; que la loi est trop permissive; que la morale passe avant la loi; que la loi est une atteinte à la liberté; que des médecins font valoir l'objection de conscience et refusent d'intervenir; qu'un avortement provoqué jamais ne peut être éthique; que la loi en question n'est que la réponse à une demande sociale justifiée; que seul le législateur a établi une différence entre l'élimination d'un non-né de plusieurs mois (thérapeutie admise) et un nouveau-né de 9 mois ou moins (crime punissable)...
   Des reparties de tout ordre, des répliques pour tous les goûts, des arguments dont la solidité n'est souvent qu'apparente mais en fin de compte nul ne dame le pion à person-ne  et c'était à craindre, le propre d'un débat étant la contestation jusqu'au bout.
   On en est à noter quelques étranges singularités. Par exemple, que dans le torrent de paroles fougueusement échangées, pas une fois n'a été prononcé le mot "père", comme si celui-ci n'était en aucun cas de ce bas-monde et que les enfants y venaient sans se-mailles par divine ou magique génération spontanée. Et encore que l'objet du débat graduellement devient secondaire, les forces spéciales de senestre ne bataillant plus que pour s'approprier du mot "liberté" aux dépens des grenadiers d'en face,"réactionnaires et répressifs".
   On a beau dire, occasionnellle ou non, la délivrance est loin!
   C'est alors qu'intervient, par vidéo-conférence et en tant que témoin-vedette, une da-me dont les propos, courts, brefs et définitifs, donnent à penser que si d'aventure elle monte en bateau c'est toujours à babord. Son cas est extrêmement simple : enceinte et à 1 mois du terme, elle a décidé d'avorter. Elle a dû faire des pieds et des mains, témoig-ne-t-elle, et cela lui a "coûté les yeux de la tête", car la loi de son pays (Espagne) n'auto-rise pas l'avortement à ce stade de la gestation.
   "Heureusement, dit-elle en substance, ma famille m'a aidée, j'ai dû aller en France où les médecins se sont montrés stupéfaits de la règlementation de mon pays qui est faite pour les riches et enlève à la mère le droit de décider!"
   Et après une inspiration de soufflet de forge:
   "Qui mieux que la mère sait si elle veut le bébé ou non? Elle n'a pas besoin d'une loi ni d'un ministre ni de députés pour savoir ce qu'elle doit faire!"
   Bravo, Madame, c'est très clair. Autant qu'il est impossible de vous soutirer plus gé-nial.
   Même au forceps.
     
  

     
         
  
  

sábado, 11 de mayo de 2013

ARGENT SECRET

   A ne pas confondre avec agent secret, bien que James Bond 007, par exemple, ne serait pas de trop, çà et là, pour en dévoiler la provenance et en découvrir la cachette.
   Il n'est pas bienséant, paraît-il, de parler d'argent.
   Eh! bien, fi des finesses, piquons une tête dans la malséance et parlons d'argent, rien que d'argent!
   L'argent sacré.
   L'argent secret.
   L'argent qui ne sert à rien mais avec lequel on peut tout faire.
   L'argent dont parlent d'abondance et paradoxalement ceux qui en manquent chroni-quement.
   Et dont semblent ignorer l'existence, non moins bizarrement, ceux qui en possèdent à la pelle.
   Il n'est pas bien ni bien vu, on le sait, d'étaler ses richesses.
   Surtout quand, brusquement capables d'exhaler des odeurs, celles-ci n'évoqueraient ni le muguet ni la rose.
   Qu'on l'appelle salaire, solde, gage, émolument ou autrement, l'argent gagné digne-ment "à la sueur de son front" n'est évidemment pas méritant ni d'un blâme ni d'un bra-mement.
   Pas plus qu'un riche de cet ordre-là ne l'est du mépris généralisé ou de la suspicion populaire.
   Sans ces derniers pour nous employer nous serions tous dans la misère.
   Mais les autres, beaucoup trop d'autres, richards déjà ou tout au moins confortable-ment installés dans l'aisance  et qui tout le jour et les veilles et les lendemains s'ingé-nient, s'éreintent (si l'on peut dire), se triturent les méninges pour mettre en lieu sûr leur fortune, pour incessamment l'augmenter, pour avoir plus, pour engrosser le magot, pour aligner des zéros à droite, pour fertiliser le pactole, pour stérer brique sur brique, amasser, empiler, amonceler, entasser...
   Et en marge des lois s'il le faut!
   Quelqu'un vole parce qu'il a faim et pas les moyens, ce n'est pas bien mais on com-prend.
   Quelqu'un tire le diable par la queue et fait des pieds et des mains pour améliorer son sort et celui des siens, rien à dire, c'est humain et c'est méritoire.
   Mais que des individus à l'existence très confortable s'emploient par tous les moyens à hypertrophier leur cagnotte c'est malsain.
   Et s'ils le font en profitant d'une position privilégiée, c'est rigoureusement condamna-ble.
   Et d'abord, pourquoi vouloir être plus riche quand le sort déjà n'est pas chiche?
   C'est la crise.
   Peur du lendemain? Défiance vis-à-vis des traditionnels refuges de l'argent, c'est-à-di-re la pierre, la banque, les obligations, les actions?
   Ou bien une ladrerie vraiment irrémédiable, auprès de laquelle l'avarice classique d'Harpagon n'était que gentil passe-temps d'amateur?
   D'innombrables affaires politico-judiciaires (entre autres) nous font savoir que les émules frelatés de Crésus sont partout, en France, en Espagne, en Italie, au Brésil, en Russie, en Chine et très probablement jusqu'en Terre Sainte, fonctionnaires corrompus, élus traficoteurs d'influences, maires profiteurs, conseillers combinards, députés frau-deurs, politiques commissionnistes, trésoriers auto-charitables, tous avides de fric, tous à l'affût de la resquille, du "coup", de la combine, à la poursuite effrénée du pognon, du pèze, du fric, du blé, du "paquet" autant que possible, puis à imaginer par quelles tortu-euses traboules parvenir à l'evasion fiscale et, mieux encore, à l'un de ces merveilleux paradis fiscaux qui possèdent pour le possédant le triple avantage de ne pas grever mais,de plus, de rémunérer et le tout dans l'anonymat.
   Le rêve de tout honnête homme, quoi!
   La transparence sera pour les autres.
   On sera opaque bon tain.
   Autant que le veinard et sage gagnant de la cagnotte d'euro-millions qui se garde bien de claironner sa bonne fortune.
   Au nom de l'argent secret on s'aventure à n'importe quoi : la délocalisation, l'expatria-tion et jusqu'à la naturalisation!
   Faut-il tenir au papier-monnaie, à ses devises, à ses sous, à ses billets, à ses piécettes, à son oseille et ses fortes thunes pour en arriver là!
   Faut-il avoir, à l'instar du roi Midas, quelque chose d'un âne pour se lancer et persé-vérer dans de telles acrobaties fréquemment illégales!
   Les oreilles, notoirement, et du même animal quelques autres caractéristiques lamen-tables.
    
       
    
  
  

viernes, 26 de abril de 2013

SYNTAXE NON COMPRISE

   ...Se qu'y avais en elle d'énervent s'était sa fasson comtinuèle de voir les choses come elle voulais les voir et quelle voulais que tous le monde aurais le mème point de vues quelle mème.
   On est prié de conserver son calme. Pour ceux qui ne se seront pas emportés à la lec-ture de cette admirable phrase écrite dans la langue de molière, de Ronsard, Lamartine et (serait-on en droit de penser) d'un certain nombre de millions de Français certes bien  moins connus mais également respectables et surtout plus contemporains (cette derniè-re précision est d'une grande importance!), pour ceux-là, allait-on dire et disons, l'expli-cation va venir.
   Mais tout d'abord et toutefois, décrétons que qui n'aura pas relevé un minimum de 19 fautes - en ne considérant que l'orthographe, c'est-à-dire syntaxe non comprise - dans les deux premières lignes d'assaut, n'a pas droit à la parole.
   Car nous sommes tout de même loin de la fameuse dictée de Mérimée!
   Les autres pourraient y aller de tous les noms, adjectifs, épithètes et superlatifs à la pierre ponce... si je n'avouais pas que ces pieds de nez à la langue sont voulus et qu'ils ont même requis une belle somme d'attention.
   J'exagère? Seul de la vieille école un âne homologué peut accumuler tant de zéros sur un si rapide parcours? Je pense que non et j'ai même lu sinon pire, à tout le moins d'é-gale qualité. Par exemple, dans un roman publié chez un des plus célèbres éditeurs de Paris, ceci :"...des collines toutes à fait inutiles car..."
   J'ai une passion pour la beauté sous toutes ses formes (féminine en particulier) et la même pour notre langue. On comprendra donc mon courroux, mes ires imprécatoires lorsqu'on m'inflige des entorses comme celle-là.
   Pour peu que l'on s'intéresse à la prose pas rose, on est amené à penser qu'à l'instar des loups les onagres sont revenus et qu'ils ruent à l'envi et font des ravages dans le troupeau.
   Je ne parle pas des manies conversationnelles telles que (de nos jours; d'autres les remplaceront) "tout à fait, tout à fait" ou "c'est pas évident, c'est pas évident"; ni des er-reurs itératives et rédhibitoires comme "il a hérité d'une maison" (jusqu'à l'actuel chef de l'Etat, énarque et tout qui s'y laisse prendre!) et l'embrouillamini où s'empêtrent beau-coup quant à l'emploi de "rien moins" et de "rien de moins".
   Faux pas si repris, ces derniers, si répétés et propagés, tellement inévitables ("incon- tournables" dit-on aujourd'hui), qu'ils ont pratiquement force de loi et que qui de bonne foi et avec toutes les raisons du monde écrit "il a hérité une maison " et "rien de moins que riche" pour dire que le zozo l'est réellement ou à l'inverse - et non au contraire - "rien moins que riche" pour indiquer que le zèbre est fauché... court le risque d'être taxé d'incompétence!
   Il est sans doute bon de remarquer ici que selon plusieurs études très sérieuses, le Français moyen, pour son dira-t-on quotidien, n'utilise environ que 3.000 mots des quelque 35.000 que comporte sa langue. Plus, probablement, quelques argotismes, ré-gionalismes, anglicismes (très mode), technicismes, popularismes et barbarismes glanés çà et là.
   Il dit tout avec ça, rien à dire. Après tout pour se comprendre il suffit de rester entre soi.
   Ce qui est grave et ne m'explique pas c'est le mauvais emploi qui est trop fréquem-ment fait des termes les plus courants, utilisés et répétés, les solécismes qui émaillent les discours et les fautes d'orthographe qui gansent les écrits. On jurerait que la pensée che-mine par à-coups et fait fi de toute réflexion.
   Oralement c'est ordinaire, mais noir sur blanc c'est calamiteux.  
   Bien tendu, tout le monde, pas plus aujourd'hui qu'hier, n'est philologue, licencié ès lettres, linguiste, critique ou grammairien - nous aurions tous une certaine culture mais d'autre part rien à nous mettre sous la dent.
   Ce n'est pas une question de diplômes. L'obtention, autrefois, d'un simple C.E.P. at-testait de connaissances, de la langue comme des autres matières, tout à fait acceptables et seuls quelques cancres absolument allergiques à la maîtrise du français récoltaient des malus en rédaction et en dictée.
   Aujourd'hui le bac ou un B.T.S. est banal, les grandes écoles et les facultés n'ont été jamais aussi fréquentées, et le résultat est celui que l'on sait - déplorable.
   Alors? Les étudiants sont-ils plus bêtes? Leur cadence d'oubli est-elle synchrone avec le rythme des nouveautés? Les enseignants ne sont-ils plus à la hauteur?Les programmes sont-ils plus flous? Ou bien, tout comme les langues dites mortes, le vocabulaire, l'éty-mologie, la dictée, l'analyse logique, la critique comparée, la lecture, la syntaxe et la rédaction, tous ces nécessaires rouages  polissages de l'expression écrite ont-ils été confinés aux oubliettes des encombrantes vieilleries?
   Naguère, peut-être, le mal était moins connu. A l'exception de ceux qui professionnel-lement devaient le faire, généralement écrire se réduisait à l'expédition d'une lettre pure-ment familiale au fiston en service militaire à Tataouine ou Carpentras, à une bafouille de celui-ci à sa Louisette restée au pays, à l'envoi d'une carte postale aux proches ou aux copains.
   Fini. A présent, avec la "toile" et internet et les blogs et principalement les impayables "réseaux sociaux", tout le monde écrit et surtout pour le monde entier.
   A la va-comme-je-te-pousse dans bien trop de cas, foin des subtilités, comme pour le hockey sur glace, gnons par-ci, pêches par-là, dérapages, ruées, droit au but et comprenne qui pourra.
   Et c'est ainsi que plus encore se propage et par suite se multiplie un langage chaotique et désarticulé d'épistoliers à qui personne ne demandait rien et qui de surcroît se posent fréquemment en commentateurs éclairés.
   Si seulement, à défaut de trouver le mot pour dire ils avaient le mot pour rire!
   Tel cet élève de terminale à qui le professeur demandandait ce qu'est une tautologie et qui répondait tout épanoui : "Une tautologie c'est un recueil d'histoires de Toto!"
   Au moins on s'amuserait. 
      
      

  
               

viernes, 12 de abril de 2013

GAVAGE DE CERVEAU

   Qu'ont en commun une bonne oie périgourdine et un citoyen standard (du premier monde, faut-il préciser), du siècle XXI?
   Le gavage.
   On bourre au maïs le gésier de l'une.
   Et de n'importe quoi le mou de l'autre.
   De la première on détraque le foie.
   Et du second l'on tarabuste le cerveau.
   Quelle foi garder quand les professions d'icelle se succèdent et nous criblent?
   "Buvez au moins deux litres d'eau par jour!
   Evitez de boire l'eau du robinet!
   Il faut boire avant d'avoir soif!
   Manger bio!
   Etre écolo!
   Mariage pour tous!
   La Terre se réchauffe!
   La bière ne fait pas grossir!
   L'avenir est à la voiture électrique!
   Le moteur à hydrogène est pour demain!
   Des enfants pour tous!
   Le multiculturalisme enrichit!
   La monogamie est anti-naturelle!
   Egalité des sexes!
   L'eau va manquer!
   Notre planète se désertise!
   Le vin rouge est bon pour le coeur!
   La gauche c'est la liberté et le progrès!
   Eviter les graisses saturées!
   L'anglais est la langue universelle!
   Les réserves de pétrole s'épuisent!
   La vue c'est la vie!
   A la veille du tourisme spatial!
   Nous sommes faits pour vivre 130 ans!
   La TV c'est le monde chez soi!
   Vers la fin des journaux et livres papier!
   L'espérance de vie s'allonge!
   Le cannibalisme n'a pas disparu!
   A bas l'énergie nucléaire!
   L'Homme a besoin de Dieu!
   Bienvenue à la maison intelligente!
   L'esclavage n'est pas aboli!
   La justice est égale pour tous!
   Le robot libèrera l'individu!
   La démocratie est le meilleur des systèmes de gouvernement!
   La clonation sauvera le monde!
   La guerre thermonucléaire n'aura jamais lieu!
   L'avortement est un crime!
   Les drogues douces ont des effets bénéfiques!
   Les permissions pénitentières aident à la réinsertion!
   Activité physique à tout prix!"
   Et endurance mentale, faut-il remarquer, pour faire place à tant d'informations (par-fois contradictoires et dont il n'est ci-dessus qu'un misérable échantillon) qui jour après
 jour assaillent notre cerveau.
   S'y soustraire, les ignorer, les oublier?
   Impossible. Que cela nous plaise ou non, d'autres les adopteront, en feront usage et leurs effets nous investiront.
   Par une sorte de snobisme ambiant, il y a toujours des couches sociales qui se prêtent aux pratiques les plus saugrenues pourvu qu'elles soient nouvelles - et qui vont jusqu'à les prôner.
   Ainsi, des millions et millions de gens, aujourd'hui, de leur propre aveu, seraient "in -capables de vivre" sans la bouteille d'eau à la main et sur la table du bureau, sans télé-phone portable à l'oreille, sans télévision, sans internet et ses "réseaux sociaux", sans de la musique en tous lieux, sans air climatisé, sans hypermarchés, sans vacances ni ponts, dans des conditions "franchement préhistoriques"... qui n'étaient celles que de leurs pa-rents!
   Pour beaucoup de personnes, l'addiction à la nouveauté est telle que qui ne les suit pas n'est qu'une pauv'cloche ou un demeuré, et que bien qu'ayant seulement un pied dans le siècle XXI elles parlent du précédent comme du temps des troglodytes.
   Et voilà comment le gavage se fait.
   Sans atteindre au scepticisme intraitable de Pyrrhon, il convient d'oposer une réserve à tant d'invitations qui nous tombent dessus, de ne pas prendre pour argent comptant tout ce qu'on nous fait miroiter, de ne pas succomber à tous les chants de sirènes.
   Ne jamais se précipiter, voir et soupeser, et en premier lieu savoir opérer un tri.
   Bien entendu, il existe dans le tas des propositions fort honnêtes. En particulier celles qui ont trait à la santé - les sérieuses - et d'autres qui rendront des tâches plus faciles.
   C'est utile, commode, pas excessivement cher, je prends.
   C'est principalement dans le domaine des idées qu'il faut ête prudent, un tantinet scep-tique d'entrée, prendre son temps, rameuter toutes ses connaissances, connaître d'autres opinions, savoir de qui viennent celles-ci, car c'est incontestablement des idées que sont nés et naissent les plus grands bouleversements connus de l'humanité et les change-ments  de comportement passés, présents et sans aucun doute à venir. Les guerres sont venues d'une idée, les religions aussi, les schismes également, et les conquêtes, les inva-sions, les génocides, le racisme, la minijupe, le bronzage, le bikini, la pilule anti-con-ception, la fécondation in vitro, le mariage pour tous, la clonation, la prise de conscien-ce écologique, la défense des animaux, la "mort digne", l'incinération, l'avortement lé-galisé, l'addiction aux drogues, le recyclage, la chasse au tabac, la pornographie et quan-tité d'autres courants et mouvements dans les domaines les plus divers.
   Certaines des nouveautés dont on nous chante les vertus ne sont que des modes qui dureront plus ou moins longtemps, puis s'oublieront... jusqu'à nous revenir un jour à l'état pur ou légèrement modifiées.
   D'autres, on l'a dit, sont uniquement affaire de gros sous.
   C'est des autres qu'il faut se méfier, celles qui, paraissant ne solliciter que notre adhé-rence morale, recèlent la possibilité de futures applications criticables qui sont tues ou niées et d'énormes intérêts économiques qui, bien sûr, ne sont pas avoués.
   Là ce n'est pas seulement le monde publicitaire qui nous assaille et nous matraque mais aussi l'information journalistique, les politiques, les "experts" de tout poil et parfois jusqu'au pouvoir législatif, tant il est vrai qu'un bon bourrage de crâne maintenu tout le temps nécessaire finit généralement par donner l'assentiment majoritaire et que ce qui paraissait  invraisemblable, irréalisable, contre nature ou pour  le moins décon-certant est ensuite perçu comme normal.
   Gavage de cerveau réussi : c'était une polémique, c'est dorénavant une loi.
  

               
  
  

sábado, 30 de marzo de 2013

LA VIE GREVÉE

   On cherche la vie en rose mais on ne la trouve pas.
   Qu'importe! On s'entête et l'on continue.
   Peine perdue.
   Si elle a jamais existé, la vie en rose n'existe plus.
   Il est obligatoire de payer pour venir au monde, puis s'y maintenir puis mourir.
   Donc s'échiner, se débattre, et s'user et s'aigrir.
   Jadis, on s'épuisait pour l'essentiel, l'indispensable, le vital, le véritablement nécessai-re, le primordial, l'important : une famille, un gîte, de quoi se nourrir et se vêtir.
   Ce n'était certes pas facile mais on n'avait que cela à faire, l'esprit vide d'autres songes ou tracas et par conséquent tout le temps.
   Terminé depuis belle lurette. On est tellement occupé qu'on cherche du temps quand il n'y en a pas.
   On s'efforçait pour simplement  vivre, l'on s'éreinte aujourd`hui, simultanément et surtout pour l'accessoire - quand ce n'est pas pour le superflu, la satisfaction d'un ca-price, la futilité absolue.
   On ne tiendra jamais le rythme : on désire toujours plus et bien mieux.
   Avec du temps, de la curiosité, de l'intuition, de l'intelligence, de l'ingéniosité, de la persévérance et aussi une dose de perfidie, nous avons édifié tout un système social au-près duquel les travaux d'Hercule ou les pyramides égyptiennes ne sont que gamineries.
   Qui ne peut s'y faire ou plus suivre est fichu.
   On se croit libre, on est entravé.
   S'est-on seulement mis un instant à penser ce que coûte de simplement se réveiller, se rendre présentable, avaler en vitesse son petit déjeuner? Cela suppose disposer d'un abri, d'une installation sanitaire, d'eau chaude et froide, d'électricité, de divers accessoires et produits, de chaussures et vêtements, de table et siège, de couvert, de lait, café ou thé, de pain comme  ceci ou cela, de beurre, confiture, sucre et l'appareillage nécessaire afin de chauffer, griller à notre délicate convenance.
   Toutes choses estimées ab-so-lu-ment indispensables qui ne sont pas tombées du ciel, qu'il a bien fallu ailleurs fabriquer ou produire, acheminer et ensuite acheter.
   Et ce n'est là que le commencement d'un matin, d'une journée, d'un mois qui par génération spontanée ensuite, finira par constituer une vie.
   Encore que sans le savoir, on se leurre dès le premier jour. Pas encore crevé, certes, mais déjà bâté, lesté, grevé. Par l'ascendance, par la position familiale, par l'époque, par le milieu, par le pays, par l'enseignement, l'apprentissage, les études, la profession, les besoins, les nécesités, les tâches, les valeurs et les prix, les taxes, les impôts, toute la machinerie diaboliquement structurée au fil des millénaires et des siècles pour soi-disant faire du séjour sur terre une sorte de très longues vacances en Eden.
   Nul n'échappe à cette fatidique et vénéneuse  immersion. Ni le plus fort, ni le plus beau, ni le plus intelligent, ni le plus dégourdi, ni le plus optimiste, ni le plus veinard ni le plus riche ou inventif.
   Une fois né on est au monde et y livré.
   Dans l'ensemble cela a l'air de fonctionner : des parents nous créent, des pédiatres nous aident à pousser, des frères, soeurs, alliés et amis nous soutiennent, des institu-teurs et des professeurs nous instruisent, des entrprises et services publics nous  enga-gent et nous payent, des camarades nous aident, des êtres nous apprécient et nous aiment, des médecins nous soignent, d'innombrables spécialistes produisent, bâtissent, édifient, manufacturent tout ce dont nous pouvons avoir besoin, des génies font des découvertes, des inventeurs inventent, des philosophes sollicitent notre cerveau, des journalistes nous informent, des écrivains nous délassent, des curés nous bénissent, des policiers et pompiers nous protègent, des soldats nous défendent, des acteurs nous amusent ou émeuvent, des engins nous transportent, éventuellement des prostituées aussi, des animaux nous accompagnent quand on ne les tue pas pour les dévorer...
   A ce jour nous disposons de tout pour tout faire, y compris aller sur la Lune et des enfants par d'autres procédés que l'originel.
   Hélas! rien, jamais, n'étant idéal et parfait (l'eau la plus claire a son sédiment et l'être le plus transparent a ses troubles) cet extraordinaire système, si poli, si prévoyant, si humanitaire et à l'extrême sophistiqué ne pouvait être sans défaut. C'est ici la margination et c'est l'espace occupé par des êtres pas forcément tous plus mauvais que d'autres mais qui, à la suite de déconvenues, d'échecs, de faux pas ou pour quelque raison plus profonde, se voient exclus de ce que l'on nomme "La Société".
   Ils ne comptent pas. A la limite ils n'existent pas. Celui qui n'a pas d'argent à compter se catalogue sans intérêt. Pour être il faut consommer, dépenser. Vivre c'est dilapider. Toujours plus et mieux que le voisin!
   A moi le nouveau modèle de voiture!
   A moi la télé dernier cri!
   A moi l'iPod, l'iPad de dernière génération!
   A moi l'appartement super-chouette, la maison de campagne en Sologne, le chalet al-pestre, la riad à Marrakech, le "pieds-dans-l'eau" à Ibiza!
   A moi les restaus michelinés, les vêtements griffés, les accessoires signés, les endroits "in" et les raouts les plus exclusifs!
   Les banques sont là pour ça!
   Qu'on se le dise : "Signer c'est payer".
      On s'endette pour la voiture, pour la télé, pour le logement et à-côtés, pour les esca-pades et vacances, pour le mariage, le baptême et la communion - sans s'arrêter à penser une seule seconde qu'à ce train-là on court le risque de mourir à crédit.
   On ne sait plus vivre que sans frein.
   Il existait autrefois une multitude de "petits métiers" dont vivaient très honnêtement  bien des gens. Ils ont disparu. On ne travaille plus que très peu de ses mains et de plus on ne répare pratiquement pas.
   On jette ou se débarrasse et l'on remplace. C'est d'ailleurs pour cette raison, assure-t-on, que l'économie va bon train.
   Patatras! Rien ne va plus! Un petit grain de sable dans la redoutable "ingénierie" fi-nancière, là-bas, aux States, et c'est le pavé dans la mare aux c...nards. Tous les rouages grippent. On découvre que le mal (infailliblement) est global. Que si les particuliers vi-vaient au-dessus de leurs moyens, les nations n'étaient pas en reste.
   C'est la Crise et aussitôt la grise mine chez les infortunés fortunés de la veille. L'Amé-rique tremble, l'Europe (unie, bien entendu) se voit atteinte de chorée, et le reste du monde se demande s'il faut en rire ou pleurer.
   Les banques ferment les robinets prêts-hypothèques-crédits dès avant de lécher leurs blessures, les grands sorciers de la finance et de l'économie ne savent pas à quel gain se vouer, ministres, chefs de gouvernement et d'Etat sont encore une fois dépassés, som-mets en vain, conférence après conférence dont les populations ne retiennent que la toute première syllabe sans rien voir d'autre venir...
   Que la récession.
   Que la chute de la consommation.
   Que le chômage qui augmente.
   Que les revenus qui diminuent.
   Que les mesures restrictives qui leur tombent dessus.
   Que les taxes qui montent.
   Que les impôts qui escaladent.
   Un an, deux ans, trois ans, quatre, presque un lustre de cette situation à peu près iné-dite sans autres éclats que ceux des voix des révoltés couvrant à peine les ferventes pri-ères des chançards pas encore contagiés...
   La soupe populaire n'a jamais eu autant de commensaux.
   La Croix-Rouge, Caritas et autres oeuvres charitables font des pieds et des mains pour amasser le plus d'aliments.
   Des milliers de familles sont incapables de payer les factures d'électricité et de gaz.
   Désespérés, des hommes, des femmes se jettent par la fenêtre en voyant arriver la commission judiciaire qui va les expulser de leur logement impayé.
   Tous les moyens, pour en finir, sont bons lorsqu'on est à ce point privé de ressour-ces, depossibilité d'en avoir, de tout, de forces, d'espoir, c'est-à-dire et vraiment tout au bout du rouleau.
   Nous croyions en la vie de rêve.
   Nous n'avons qu'une vie grevée.